Le syndrome de Marfan
Le diagnostic des syndromes de Marfan et apparentés, maladies génétiques rares, est souvent complexe et nécessite l’avis de plusieurs médecins spécialistes. Une fois le diagnostic posé, des recommandations de suivi et de prise en charge existent et ont beaucoup évolué avec les progrès médicaux. Cet article vous aide à mieux comprendre les causes, symptômes et prises en charge afin de mieux vivre avec.
1. Qu’est-ce que les syndromes de Marfan ?
Les syndromes de Marfan regroupent le syndrome de Marfan classique et les syndromes apparentés. Il s’agit de maladies génétiques rares qui touchent un ou plusieurs organes notamment le cœur, les vaisseaux sanguins, les os et les yeux.
2. Épidémiologie
Le Marfan classique toucherait environ 1 personne sur 5 000, soit environ 12 000 personnes en France, sans distinction de sexe ou d’origine ethnique. Il s’agit d’une maladie héréditaire qui se transmet de manière autosomique dominante, ce qui signifie qu’un parent porteur de la mutation a 50 % de chances de transmettre la maladie à son enfant. Une copie du gène étant héritée de chaque parent, le terme « dominant » signifie qu’une seule copie altérée suffit pour que la maladie se manifeste. Dans environ un tiers des cas, la maladie est causée de façon spontanée, c’est-à-dire sans antécédents familiaux.
3. Physiopathologie
a. Causes
Dans la majorité des cas, le syndrome de Marfan est causé par une anomalie génétique affectant une protéine essentielle, la fibrilline-1. Cette protéine joue un rôle clé dans la solidité et l’élasticité du tissu conjonctif, qui sert de soutien aux organes et aux structures du corps. Une mutation du gène FBN1, situé sur le chromosome 15, entraîne une production défectueuse de fibrilline-1, rendant le tissu conjonctif plus fragile et moins résistant. Cette fragilité peut toucher plusieurs parties du corps, notamment le cœur, les vaisseaux sanguins, les os, les yeux et les poumons.
Dans certains cas, des mutations sur d’autres gènes, comme TGFBR2, entraînent des symptômes similaires. Toutefois, chez certaines personnes atteintes, aucune mutation génétique spécifique n’a encore été identifiée.
b. Pourquoi “Marfan” ?
C’est en hommage au docteur Antoine Marfan, pédiatre français qui fut le premier à décrire cette maladie à la fin du XIXe siècle. Par la suite, d’autres chercheurs ont approfondi ses travaux et identifié l’origine génétique de la maladie.
c. Symptômes
Ce syndrome peut se manifester de manière très variable d’une personne à l’autre, même au sein d’une même famille. Certaines personnes présentent des signes légers et ne sauront pas qu’elles en sont atteintes, tandis que d’autres développent des complications plus sérieuses. Les symptômes apparaissent souvent progressivement. Chez certains, les symptômes peuvent n’apparaître qu’à l’âge adulte. Les atteintes peuvent toucher un ou différents organes. Cela se traduit principalement par :
- Une atteinte cardiovasculaire (atteinte du cœur et des vaisseaux sanguins)
- Celle-ci conditionne le pronostic vital.
- L’atteinte principale concerne l’aorte, la plus grosse artère du corps, qui peut se dilater et se fragiliser. Plus l’aorte se dilate, plus elle risque de se déchirer, provoquant une dissection aortique. Cela devient donc une urgence vitale qui se manifeste par une douleur intense et soudaine dans la poitrine, le dos ou le cou, et nécessite une prise en charge immédiate.
- Par ailleurs, les valves cardiaques, qui contrôlent le passage du sang dans le cœur, peuvent être également affectées. Une fuite de la valve aortique peut entraîner un retour anormal du sang vers le cœur, augmentant sa charge de travail et provoquant fatigue, essoufflement et palpitations. De même, la valve mitrale peut être trop lâche et laisser passer du sang en sens inverse, aggravant les symptômes.
- Des anomalies musculosquelettiques (atteinte des muscles et des os)
- Le syndrome de Marfan se manifeste souvent par un aspect physique distinctif et des déformations squelettiques. Les individus sont généralement de grande taille, avec une grande envergure (dolichosténomélie), une maigreur, et des membres longs. Les doigts sont souvent très longs et fins, une caractéristique appelée arachnodactylie. Le thorax peut présenter des déformations notables, comme un sternum enfoncé (pectus excavatum) ou un sternum saillant (pectus carinatum). Ceci pose principalement un problème esthétique.
- Le visage peut aussi présenter des caractéristiques spécifiques, avec un menton peu prononcé et un palais étroit en ogive, ce qui peut entraîner des problèmes dentaires, notamment des dents qui se chevauchent et une occlusion dentaire dysharmonieuse pouvant être corrigée par un appareillage dentaire.
- Les déformations de la colonne vertébrale sont courantes, avec une scoliose(torsion en S) ou une cyphose(courbure excessive du dos). Ces déformations, qui commencent dès l'enfance et s'accentuent souvent pendant la puberté, peuvent être douloureuses. De plus, les hanches peuvent être trop profondément articulées dans le bassin, ce qu'on appelle la protrusion.
- En raison de l’hyperlaxité ligamentaire, les articulations sont souvent trop mobiles ce qui augmente le risque d’entorses répétées et de douleurs chroniques (surtout pour les genoux, chevilles et pieds). Ces douleurs peuvent entraîner une fatigue intense. Les pieds sont fréquemment plats (platypodie) et peuvent présenter des déformations des orteils.
- Enfin, chez les enfantsentre 4 et 6 ans, des troubles de la psychomotricité fine peuvent apparaître, comme des difficultés à attraper de petits objets ou à écrire, souvent liées aux déformations squelettiques. Ces troubles peuvent affecter la coordination et le graphisme.
- Des troubles oculaires :
- Plusieurs anomalies oculaires peuvent se manifester. Elles peuvent varier en gravité et parfois passer inaperçues, surtout chez les enfants. L'une des manifestations les plus caractéristiques est le déplacement du cristallin, appelé ectopie. Le cristallin, qui permet la mise au point de la vision, peut se déplacer de sa position normale, et dans certains cas, il peut se détacher complètement (luxation)
- La myopie est également fréquente, due à l’allongement du globe oculaire.
- D’autres complications sérieuses incluent des déchirures de la rétine, ce qui peut provoquer la perception de « mouches volantes » (tâches noires qui se déplacent) ou des éclairs lumineux (phosphènes). Ces symptômes peuvent être un signe précurseur d’un décollement de la rétine, une urgence ophtalmologique qui peut entraîner une perte de vision si elle n'est pas traitée rapidement.
- Les patients risquent de développer une cataracte (opacification du cristallin) ou un glaucome (augmentation de la pression oculaire), endommageant leur vision.
- Des atteintes pulmonaires telles que le pneumothorax et neurologiques telles que la duralectasie (dilatation du cul de sac dural, enveloppe contenant la moelle épinière) sont moins fréquentes mais possibles.
Le syndrome de Marfan se manifeste de façon variable, allant d’une forme sévère avec handicap à une forme modérée ou asymptomatique, et peut entraîner une atteinte cardio-vasculaire, des douleurs chroniques, une fatigue importante, des troubles visuels, des déformations physiques et un impact psychologique sur la qualité de vie.
4. Diagnostic
Le diagnostic du syndrome de Marfan est complexe en raison de la diversité et de l’évolution progressive de ses manifestations, notamment chez l’enfant. Pour le poser, il nécessite une consultation multidisciplinaire impliquant plusieurs spécialistes, idéalement dans un centre de référence ou de compétence dédié à la maladie.
Souvent, le diagnostic est fait lors de l’exploration d’un symptôme ou d’une complication, mais un dépistage familial est essentiel pour permettre un diagnostic précoce et une prise en charge préventive.
Les examens complémentaires évaluent les différents organes affectés par la maladie :
- Cœur et aorte : échocardiographie, électrocardiogramme (ECG), Imagerie par Résonance Magnétique (IRM), scanner.
- Squelette : radiographies, imagerie EOS (scanner 3D basse dose), scanner.
- Poumons: radiographie thoracique
- Ectasie durale : IRM, scanner
- Yeux : examen du fond d’œil (rétine), lampe à fente (cristallin).
- Génétique : prise de sang
Diagnostic différentiel :
D'autres maladies héréditaires du tissu conjonctif peuvent présenter certains signes communs avec le syndrome de Marfan telles que le syndrome MASS, le syndrome de Weill-Marchesani, le syndrome de Stickler, le syndrome de Beals, le syndrome de Shprintzen-Goldberg ou autres…)
5. Prise en charge et traitement
À ce jour, aucun traitement ne permet de guérir le syndrome de Marfan. En revanche, une prise en charge multidisciplinaire, préférentiellement dans un centre de référence ou de compétence dédié, permet de prévenir au mieux les complications et d’améliorer la qualité de vie des patients. Elle fait appel à différents professionnels de santé (cardiologue, rhumatologue, ophtalmologue, kinésithérapeute, ergothérapeute, psychologie…). Une évaluation régulière est donc primordiale.
Elle se fonde principalement (liste non exhaustive) sur :
a. Un suivi cardio-vasculaire ayant pour objectif de limiter la dilatation aortique et réduire le risque de dissection : échocardiographie annuelle, traitement par bêta-bloquant pour diminuer la tension artérielle, chirurgie cardiothoracique (en fonction du degré de dilatation de l’aorte).
b. Un suivi orthopédique pour réparer les déformations squelettiques, maintenir la mobilité et limiter les douleurs (rééducation). Les douleurs peuvent être également soulagés par des antalgiques. Dans certains cas, une orthèse (surtout corset) ou une chirurgie sont nécessaires. Chez l’enfant, une supplémentation en vitamine D et en calcium est recommandée et la croissance doit être surveillée.
c. Un suivi ophtalmologique pour corriger les troubles visuels : lunettes correctrices, chirurgie en cas de luxation du cristallin.
d. Une éducation thérapeutique est mise en place, notamment sur les types d’efforts physiques et activités sportives qui sont autorisés ou déconseillés.
e. Une prise en charge psychologique pour le patient et sa famille pour accompagner l’annonce et les répercussions de la maladie.
f. Une adaptation du mode de vie : il est essentiel d’adopter certaines précautions pour limiter les risques associés. Il convient d’éviter la pratique de certains sports et de maîtriser la pression artérielle, notamment par la réduction du stress et une alimentation équilibrée.
g. Dépistage familial et accompagnement des patientes enceintes ou en âge de procréer : la grossesse est envisageable pour de nombreuses femmes atteintes du syndrome de Marfan, sous réserve de précautions particulières, notamment en raison du risque aortique accru. En effet, cette période peut favoriser la dilatation de l’aorte, nécessitant une évaluation cardiologique approfondie avant la conception.
En cas d’urgence, il est essentiel de reconnaître les signes d’alerte : une douleur brutale à la poitrine, au dos ou au cou peut indiquer une dissection aortique nécessitant une prise en charge immédiate. Une douleur thoracique et une difficulté à respirer ou un décollement rétinien (voile noir ou perte de vision) doivent également alerter. La personne atteinte doit informer le personnel médical de sa maladie
6. Centres experts
En France, ils existent des centres de référence et de compétence Maladies Rares dédiés au syndrome de Marfan et maladies apparentées, labellisés par le Ministère de la Santé. Le centre de référence coordonnateur est situé à l’Hôpital Bichat à Paris (AP-HP).
- Centres de référence et de compétence Syndrome de Marfan et maladies apparentées
- Centre de référence coordonnateur Syndrome de Marfan et maladies apparentées
7. Associations et ressources
En France, les personnes atteintes du syndrome de Marfan peuvent bénéficier d’une prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale au titre des Affections de Longue Durée hors liste (ALD31), couvrant les soins, les frais médicaux et les appareillages.
Les patients et leurs proches peuvent également trouver soutien et information auprès de plusieurs associations :
- Association française des syndromes de Marfan et apparentés
8. Forum Maladies Rares Info Services
Un espace d’échange est disponible sur le Forum maladies rares, permettant aux patients, proches et professionnels de partager leurs expériences et d’obtenir des conseils.
N'hésitez pas à nous contacter par téléphone (appel gratuit) ou à nous écrire
- Haute Autorité de Santé (Protocole National de Diagnostic et de Soins (PNDS) Syndrome de Marfan et apparentés)
- FAVA-Multi (filière de santé des maladies vasculaires rares à atteintes multisystémiques)
- Fiche Orphanet
- Vivre avec une maladie rare en France (Aides et prestations)
- Vidal